Aller au contenu

Passing (genre)

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Dans le contexte du genre, le passing se réfère à la capacité d'une personne à être considérée, en un seul coup d’œil, comme une personne cisgenre[1]. Les personnes pouvant être concernées par le passing sont les travestis, les drag queens/drag kings, les hommes trans, les femmes trans et toutes les personnes qui s'identifient de troisième sexe, non binaires ou d'identité genderqueer.

En général, le passing implique un mélange d'indices physiques genrés (par exemple, la coupe de cheveux ou les vêtements) ainsi que certains comportements qui ont tendance à être culturellement associés à un genre en particulier. Indépendamment de la présentation de la personne, de nombreux travestis ont affirmé que la confiance en soi est beaucoup plus importante que les aspects de l'apparence physique[2].

Terminologie associée

[modifier | modifier le code]

Attribution de genre

[modifier | modifier le code]

L'attribution de genre est le processus qui se fait quand un observateur décide du genre d'une autre personne[3]. Une fois que les observateurs attribuent un genre à une personne, il peut être difficile de les faire changer d'avis et de leur faire percevoir la même personne comme ayant un autre genre[4].

Cela est parfois simplement appelé le « genrage »[1], à ne pas confondre avec le sexage.

Suzanne Kessler et Wendy McKenna, dans Gender. An Ethnomethodological approach, paru en 1978, à la suite de Garfinkel[5] , étudient le fonctionnement de l'attribution d'un genre en soulignant son caractère interactif en observant « d’une part, ce qu’on doit faire pour être perçu comme étant du genre « correct », et d’autre part, quelles règles appliquent les autres pour faire une attribution »[5]. Contrairement à Garfinkel, elles estiment que « la plus grande partie du travail est faite pour celui ou celle qui s’expose par celui ou celle qui le (la) perçoit. »[5]. En effet, si les chercheuses remarquent que :

« L’attribution du genre peut s’appuyer sur quatre types de manifestations : les propos d’ordre général, l’apparence physique publique, le corps privé, les propos concernant le passé personnel. Les deux premiers éléments sont essentiels pour l’attribution initiale, les deux autres n’étant généralement pas dévoilés lors d’une première rencontre. »[5]

elles constatent aussi que :

« La personne qui s’expose crée l’attribution de genre initiale, probablement par son apparence publique et ses propos. Néanmoins, après ce moment, l’attribution de genre est maintenue en vertu de deux choses : 1) Chaque acte de la personne qui se présente est filtré par l’attribution de genre initiale faite par celle qui la perçoit ; 2) Celui (celle) qui perçoit se conforme à l’attitude naturelle (e.g. le genre est invariant) »[5]

S. Kessler et W. McKenna observent une asymétrie androcentrée (catégorisation en « femme » seulement en l'absence de caractéristiques mâles constatées) ainsi que la « naturalité » du genre (c'est-à-dire le présupposé que le genre d'une personne ne changerait jamais)[6][7].

Bon passing/mauvais passing

[modifier | modifier le code]

L'échec du passing dans le genre désiré se réfère au fait d'être « lu » (« read »[8],[9]).

Une personne est beaucoup plus susceptible d'être en mesure de lire quelqu'un de sa propre ethnie ; il est généralement admis que c'est parce que les indices genrés de sa propre ethnie sont plus facilement reconnus. Certaines personnes choisissent de quitter leur pays d'origine, parce que ces indices genrés peuvent varier considérablement d'un pays à l'autre. La tessiture vocale, la constitution physique, la racine des cheveux, la forme et la structure du visage, l'attitude et les styles vestimentaires peuvent faire partie des raisons invoquées[10].

Le passing importe plus que l'apparence physique car, de même qu'il existe un spectre de différences pour un même genre (la taille, la structure de l'os, avoir ou non une pomme d'Adam), l'esprit ne repose pas uniquement sur l'apparence. Les maniérismes et le vocabulaire sont encore plus importants. L'esprit capte les éventuelles incohérences ou relève certains aspects, pour « valider » l'apparence d'une personne (passing) ou non (en cours de « lecture »). La façon dont une personne est habillée, le choix de ses vêtements, dans un contexte inapproprié, va attirer l'attention. Dans un super-marché, même pour une femme cisgenre, porter une mini jupe, un manteau de vison et des bottes hautes jusqu'aux genoux, attirera l'attention sur elle, laissant éventuellement place à de nouvelles observations plus ciblées.

Selon la présentation d'une personne, n'importe qui peut être en mesure de la lire. Plutôt que de savoir si une personne est lue ou pas, c'est la réaction des autres face à cette « lecture » qui importe. Certains chercheurs ont suggéré que de nombreuses personnes trans qui pensent « passer » (passing) sont en fait lues par de nombreux observateurs, mais, en l'absence de confrontation, la personne trans n'est pas consciente qu'elle a pu être « lue[4] ».

Il est à noter que le fait d'être « lu » (« read ») peut prendre une connotation insultante dans le contexte de la Ball culture[11]. Très souvent, le fait d'être lu renvoie à un mauvais passing. Le terme utilisé dans la Ball culture est « realness » (« réalisme[12] »).

Infiltration

[modifier | modifier le code]

Le terme stealth (« infiltration ») est utilisé pour désigner une personne qui passe tout le temps dans le genre désiré, et qui a coupé tout contact avec les personnes qui connaissent son genre assigné. Ainsi, si personne n'est au courant de son histoire, la personne se fonde parfaitement dans la population de son genre revendiqué. Afin de vivre dans la discrétion[9], une personne doit être parfaitement « passable » (passing). Les personnes peuvent également choisir d'être « infiltrés » durant certaines périodes de leur vie, ou selon l'environnement (par exemple, « infiltrée » au travail, mais ouvertement transgenre entre amis).

Jennie Irene Hodgers, habillée en Albert Cashier, était soldat irlandais de l'Union Army pendant la guerre civile des États-Unis.

Il y a eu des cas dans l'histoire où les gens ont imité le sexe opposé pour des raisons autres que l'identité de genre. Les raisons les plus courantes des femmes déguisées en hommes étaient pour pouvoir aller combattre à la guerre comme des soldats, ou pour travailler dans des professions à prédominance masculine n'embauchant pas de femmes.

En temps de guerre

[modifier | modifier le code]

Des femmes ont ainsi pu combattre dans la guerre d'indépendance américaine et dans la guerre de Sécession, comme Mary Anne Talbot et Hannah Snell.

Deux exemples célèbres de femmes qui se sont déguisées en hommes pour combattre : Jeanne d'Arc, qui s'est battue contre les Anglais pendant la Guerre de Cent Ans, et Hua Mulan, qui, selon la légende, a pris la place de son vieux père dans l'armée chinoise.

Le passing des femmes de la classe ouvrière

[modifier | modifier le code]

Dans Stone Butch Blues, Leslie Feinberg décrit des butch et des lesbiennes, issues de la classe ouvrière, qui ont choisi dans les années 1960 de passer en tant qu'hommes pour pouvoir travailler afin de faire vivre leurs familles[13].

Alors que le roman de 1993 est une fiction, des femmes, comme Feinberg, ont à cette époque pris de la testostérone pour ces raisons. Certaines de ces femmes ont plus tard été identifiées comme transgenres ; d'autres ont arrêté de prendre des hormones et sont revenues à une apparence butch, lorsque le mouvement féministe a gagné l'ouverture de nouveaux emplois pour les femmes[14],[15],[16].

Le leader d'un groupe américain, Billy Tipton, a fait une brillante carrière de musicien de jazz des années 1930 aux années 1970. Le monde entier n'a découvert que Tipton avait été assigné femme à la naissance qu'après sa mort[17],[18],[19].

Contexte moderne

[modifier | modifier le code]

À l'époque moderne, les efforts pour essayer de passer sont le plus souvent pratiqué par des personnes trans, ou plus occasionnellement travesties.

Les artistes performeurs (drag kings et drag queens) qui ne souhaitent pas dissimuler leur sexe assigné à la naissance ne sont généralement pas considérés en « passing », même si certains peuvent être en mesure de le faire. Beaucoup de travestis qui s'aventurent dans les zones publiques tentent de « passer ». De nombreuses personnes trans vivent et travaillent avec leur réel genre, et cherchent à être totalement acceptées en tant que membre de ce genre, plutôt que dans celui qui leur a été assigné, donc le passing n'est pas une simple option, il est vécu comme une nécessité.

Les personnes transgenres qui ne se décrivent pas comme des travestis ou des trans peuvent avoir des attitudes différentes face au passing. Par exemple, elles peuvent ne pas essayer de passer du tout, s'engager dans le genderfuck (envoyer consciemment des signaux mixtes), ou être en mesure de passer, mais ne pas masquer le fait d'être transgenres. Les points de vue personnels sur le passing et le désir, ou le besoin, de passer sont indépendants d'un éventuel traitement médical ou d'un changement légal de genre.

Dans les communautés trans et travestie, les personnes qui n'ont pas un bon passing peuvent parfois envier celles qui en ont un. De ce fait, il peut y avoir une tendance pour certaines personnes qui passent à éviter celles qui sont faciles à lire. Également en raison du fait qu'être avec une personne qui est facilement lue, peut faire porter des doutes quant à la condition des personnes l'entourant.

Il convient de noter que l'utilisation du terme « passing » au sujet de l'orientation sexuelle signifie « cacher » son identité, d'où la volonté chez les personnes de genre variant d'utiliser des signaux d'acceptation et de concordance avec l'identité de genre désirée.

L'avocat Etienne Deshoulières indique en 2024 que les circulaires françaises de 2017 encadrant la modification de la mention de sexe à l’état civil « substituent à l’obligation de stérilisation une obligation de passing, c’est-à-dire l’obligation de se présenter devant le tribunal sous l’apparence du genre opposé à celui mentionné à l’origine sur l’acte de naissance », ce qu'il considère comme une discrimination[20].

Associations

[modifier | modifier le code]

La Société française d'études et de prise en charge de la transidentité a été créée en 2001 pour aider les personnes transgenres dans leur parcours de transition[21] à la suite des recommandations de la Haute autorité de santé[22].

Dans la fiction

[modifier | modifier le code]

Des femmes habillées en hommes, et moins souvent des hommes habillés en femmes, est un thème fréquent dans la fiction[23] et le folklore. Par exemple, dans la mythologie nordique, Thor s'est déguisé en Freya[23]. Ces déguisements sont également populaires dans les fictions gothiques, dans les œuvres de Charles Dickens, Alexandre Dumas, et Eugène Sue[23] et dans un certain nombre de pièces de Shakespeare, comme La Nuit des rois. Dans Le Vent dans les saules, Toad s'habille en blanchisseuse ; dans Le Seigneur des anneaux, Éowyn fait semblant d'être un homme.

Dans la science-fiction, la fantasy et la littérature féminine, ce motif littéraire est parfois repris, avec la transformation littérale d'un personnage homme en femme ou vice versa. Dans Orlando: A Biography, Virginia Woolf met en scène un homme qui devient une femme. Dans The Innkeeper's Song de Peter S. Beagle[24], une femme devient un guerrier ; dans The Warrior who Carried Life de Geoff Ryman, Cara se transforme par magie en homme[24].

Dans Yentl, l'héroïne s'habille en homme pour pouvoir étudier le Talmud dans une école religieuse.

D'autres exemples courants de déguisement de genre incluent Madame Doubtfire et son adaptation cinématographique, qui met en vedette un homme déguisé en femme[25]. De même, le film Tootsie qui met en scène Dustin Hoffman déguisé en femme, ou le film L'Associé qui met en scène Whoopi Goldberg déguisée en homme.

Dans la série télévisée Hell on Wheels, saison 5, Cullen Bohannon découvre que le travailleur des chemins de fer chinois et bilingue, connu comme le fils de Tao, Ah Fong, est un fait la fille de Tao, Mei Fong. Mei fait semblant d'être un homme, pour échapper au mariage forcé et pour pouvoir travailler dans les chemins de fer, profession exclusivement masculine.

Notes et références

[modifier | modifier le code]
  1. a et b (en) Julia Serano, Whipping Girl : A Transsexual Woman on Sexism and the Scapegoating of Femininity et Uma Mulher Transsexual sobre Sexismo e Bode-Espiamento da Feminilidade, Seal Press, , 1re éd. (ISBN 1-58005-154-5, OCLC 81252738).Voir et modifier les données sur Wikidata
  2. Polare 63: A Crossdressing Perspective.
  3. IJ TRANSGENDER - Special Issue on What is TransGender?.
  4. a et b Jennifer Anne Stevens.
  5. a b c d et e Danielle Chabaud-Rychter, « 18. Harold Garfinkel : Compétence sociale et attribution du genre: », dans Sous les sciences sociales, le genre, La Découverte, (ISBN 978-2-7071-5450-7, DOI 10.3917/dec.chaba.2010.01.0260., lire en ligne), p. 260–275
  6. En partageant l’attitude naturelle, celui/celle qui attribue et celui/celle qui est attribué·e peuvent présumer tou·te·s les deux (et chacun·e sait que l’autre suppose) que le genre ne change jamais, que les gens sont « réellement » ce qu’ils paraissent être. (Kessler & McKenna, 1978, pp. 159-160)
  7. Fabienne Malbois, « Fragments d’une ethnométhodologie du genre », Nouvelles Questions Féministes, vol. 24, no 1,‎ , p. 118 (ISSN 0248-4951 et 2297-3850, DOI 10.3917/nqf.241.0118, lire en ligne, consulté le )
  8. A CD glossary | The Cornbury Society.
  9. a et b Glossary.
  10. Griffin S. Boyce
  11. Youtube clip from the movie Paris Is Burning (film) in which this is explained.
  12. YouTube Video from Paris is Burning on realness.
  13. Feinberg, Leslie (1993) Stone Butch Blues, San Francisco: Firebrand Books.
  14. Violence and the body: race, gender, and the state Arturo J. Aldama; Indiana University Press, 2003 (ISBN 978-0-253-34171-6).
  15. Omnigender: A trans-religious approach Virginia R. Mollenkott, Pilgrim Press, 2001 (ISBN 978-0-8298-1422-4).
  16. Gay & lesbian literature, Volume 2 Sharon Malinowski, Tom Pendergast, Sara Pendergast; St. James Press, 1998 (ISBN 978-1-55862-350-7).
  17. "21 Transgender People Who Influenced American Culture".
  18. Blecha, Peter (September 17, 2005).
  19. Smith, Dinitia (June 2, 1998).
  20. « Des associations déposent un recours devant le Conseil d’Etat pour demander le droit à l’« autodétermination » de genre », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  21. « SoFECT - Société française d'études et de prise en charge du transsexualisme », sur transsexualisme.info (consulté le ).
  22. « Haute Autorité de Santé - Situation actuelle et perspectives d’évolution de la prise en charge médicale du transsexualisme en France », sur has-sante.fr (consulté le ).
  23. a b et c Clute & Grant 1997, p. 395.
  24. a et b Clute & Grant 1997, p. 396.
  25. Anita Silvey The essential guide to children's books and their creators p. 155.

Articles connexes

[modifier | modifier le code]

Liens externes

[modifier | modifier le code]